FC Sofia
Frédéric et Catherine Sofia composent depuis 2007 un duo d’artistes contemporains basé à Paris. Leur séparation en 2013 marque un tournant dans leur œuvre, devenue non plus celle d’un couple mais plutôt d’un binôme dont la famille serait aussi celle des créations nées de leur travail partagé.
Ainsi, leur volonté commune de rendre compte d’une vision du monde où aliénation et rapports de domination présideraient à une esthétique renouvelée de la tension et de la dualité, déjà nourrie par leurs cultures professionnelles respectives (designer industriel pour l’un, graphiste pour l’autre), ne s’en fait que plus directe, plus explicite.
À cet égard, leur travail semble porter une sorte de deuil de la séduction, dont les mécanismes sous-jacents se trouveraient dévoyés en un constant et subtil rapport de force (humain/animal, masculin/féminin, producteur/consommateur) qu’il s’agirait d’objectiver avec le regard de l’artiste comme la précision de l’ingénieur.
Empreintes d’élégance autant que d’âpreté, les sculptures qui en découlent pourraient bien être les protagonistes de ce jeu complexe, entre auscultation et décodage de l’ambivalence des liens que nouent les humains avec leur environnement, donnant lieu des objets figuratifs hybrides, aux frontières de l’art et du design, en lisière du kitsch et du « faux naïf ».
Une telle synthèse est l’œuvre dans leur processus créatif même -lequel, tout en convoquant des procédés de création et de production éminemment inscrits dans l’ère numérique (modélisation, impression 3D à corps creux et épaisseur constante, peinture de carrosserie), débouche sur des pièces uniques dans leur finition, parce que notamment voulues et exécutées avec cette précieuse alchimie des couleurs, pigments et effets « candy » que la production de masse semble avoir renvoyée au seul artisanat.
Se revendiquant des « sémionautes » définis par Nicolas Bourriaud comme « inventeurs d’itinéraires à l’intérieur d’un paysage de signes […] dont les œuvres produisent ou matérialisent des parcours singuliers », Frédéric et Catherine Sofia reconfigurent ces totems de la civilisation consumériste dont les rituels ont fini par infuser leur démarche pour mieux en figer les féroces ambiguïtés, en cristalliser la magie équivoque.
Entre commentaire culturel, minimalisme pop et emprunts aux arts premiers, leurs créations font écho tant aux ruminations caricaturales mi-émerveillées mi-grinçantes de Saul Steinberg qu’aux associations caustiques et chatoyantes des displays d’Haïm Steinbach, aux claustrations acidulées et décoratives de Peter Halley qu’aux mutants biochimiques et fluorescents de Tetsumi Kudo.
À la croisée des catégories et des identités, faisant se côtoyer techniques de pointe et fétiches ancestraux, multipliant niveaux de lecture et références, ils insufflent aux corps creux et volumes négatifs dont est faite chacune de leurs flamboyantes mais dissonantes créations l’ambivalence de nos désirs et la vacillation de nos existences.