Jean-Pierre Raynaud
Après une formation d’horticulteur, Jean-Pierre Raynaud devient artiste plasticien au début des années 1960. Proche des Nouveaux réalistes, il s’intéresse aux objets davantage dans leur potentiel psychique et intime et choisit des matériaux de rebut, ramassés dans les décharges de banlieue. Ses premières œuvres comportent les éléments obsessionnels du vocabulaire plastique de l’artiste : le sens interdit, les couleurs rouge et blanche ou le pot de fleur bétonné, peint en rouge et marqué du chiffre 3, qui deviendra son objet fétiche.
A partir de 1964, ce vocabulaire s’enrichit avec la série des Psycho-objets. Pour ce Psycho-objet pointu de 1966, l’artiste a assemblé sur un panneau blanc, partiellement en Panolac imitant les carreaux de céramique, un pot, un boulier et un petit canard, les barreaux d’un parc pour enfant, quatre photographies, et un tableau blanc dans lequel est fiché un tournevis relié à une prise de courant. Chaque objet est de fabrication industrielle. A l’exception du pot, des boules et du manche de tournevis peints en rouge, tous les éléments sont recouverts et unifiés par le blanc. Et une impression de malaise se dégage de cette juxtaposition évoquant le milieu hospitalier, l’urgence, le danger, l’interdit et le monde de l’enfance. Celle-ci est renforcée par un questionnement suscité par les quatre photographies représentant une jeune femme aux yeux clos dont le cou est entouré d’une sorte de minerve. Est-elle endormie ou ferme-t-elle les yeux sous la souffrance de la prothèse ? Est-elle toujours en vie ?
Chaque Psycho-objet constitue un environnement mental personnel et possède une particularité définie par son titre ; celui-ci est pointu. Le tournevis est en effet planté comme un couteau, aigu comme la douleur ou l’angoisse. L’œuvre déstabilise. Elle créé un choc et suggère l’oppression, la tension glaciale dans la distanciation esthétique du drame. « Mes objets sont agressifs, je le souhaite car je veux secouer la torpeur du public. »